« Jésus se mettait en route quand un homme accourut vers lui, se laissa tomber à ses genoux et lui demanda : "Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ?"

La manière dont cet homme a regardé Jésus est vraiment étonnante. Il s’est laissé séduire par lui, il a trouvé une certaine connivence entre lui et ce qu’il avait fait de sa vie jusque là. Jésus opère en lui un dépassement : "Pourquoi m’appelles-tu « bon ? »" Il manifeste que si bon, si aimable qu’il soit, il y a quelqu’un d’autre qui est "bon" : le Père. Jésus rejoint cet homme dans son désir : « Tu connais les commandements ! » La joie de cet homme est de répondre à Jésus : Oui Maître ! Il ne dit plus : "bon Maître." Il retrouve sa joie devant ce que Jésus lui dit. J’ai observé tous ces commandements depuis ma jeunesse. » Dieu peut conquérir le cœur de cet homme et le pousser à la solidarité et au partage avec ceux qui sont dans le besoin, avec les pauvres, et entrer dans la logique du don. Aujourd’hui encore nous rencontrons ces personnes qui ont eu la grâce de passer à travers les orages du monde en gardant une grande limpidité. Jésus saisit le désir profond qui habite cet homme et il fixe sur lui son regard plein d’amour, le regard de Dieu. Il comprend quel est le point faible de cet homme, son attachement à tous ses biens, c’est pourquoi il lui propose de tout donner aux pauvres.
« Posant son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer. » Nous aimerions contempler ce regard de Jésus ! Il a une telle intensité d’amour ! Le réveil du don de la création est là, comme une attirance vers un ailleurs. Mais cet homme ne supporte pas ce regard qui l’entraîne déjà trop loin. Il est attiré par la plénitude de la vie, mais il compte sur ses propres richesses, pensant que la vie éternelle peut « s’acquérir » en observant peut-être un commandement particulier. Le regard de Jésus le rejoignait dans des profondeurs qu’il ne connaissait pas encore. Lui veut faire de sa vie quelque chose de bien, sous le mode d’un avoir : "Avoir" une belle vie à offrir à Dieu, "faire" de belles choses pour Dieu. Or Jésus lui montre que la vie éternelle n’est pas dans l’ordre de l’avoir. Cet avoir peut même être l’obstacle majeur à l’union à Dieu, à cette vie nouvelle. « Avoir » une belle vie religieuse, avoir une belle réputation, n’est pas le bon niveau. Jésus lui a fait découvrir qu’il y a un émerveillement, comme un ciel qui est d’une beauté étonnante dans notre cœur.
« Mais lui s’assombrit à cette parole et s’en alla tout triste, car il avait beaucoup de biens. » L’orage gronde dans le cœur de cet homme, les nuages arrivent et le vent commence à souffler dans son intérieur. Pourtant, Jésus s’est penché sur cet homme qui s’est bloqué devant sa proposition. « Une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as. » Ce qui voulait dire, libère le ciel en toi, libère ce regard vers le ciel dés maintenant. Libère ton cœur et puis viens, « Suis-moi, » puisque tu cherches le Royaume, la vie éternelle. Le regard de cet homme se trouble, la joie disparaît progressivement de son cœur et la tristesse prend toute la place. Au lieu d’accueillir avec joie l’invitation de Jésus, il s’en va tout triste, parce qu’il ne parvient pas à se détacher de ses richesses qui ne pourront jamais lui donner le bonheur ni la vie éternelle. Jésus dit alors : « Comme il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu ! » En entendant ces paroles, les disciples furent déconcertés, ils le furent encore plus lorsque Jésus eut ajouté : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou de l’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu ! » Les voyant surpris, Jésus ajouta : « Pour les hommes, impossible, mais non pour Dieu : car tout est possible pour Dieu. » C’est ainsi que nous pouvons expérimenter à certains moments de notre vie, Jésus qui est en agonie, quand l’amour qui se donne n’est pas reçu. Les disciples, plus ébahis encore, se disaient les uns aux autres : Alors, qui peut être sauvé ?