D/ La vie sacramentelle et la vie en présence de Dieu est pour moi un « moyen » divin pour ressusciter avec le Christ Pauvre et vivre avec les pauvres. Le long cheminement vers « ma » vocation.

Mardi 26 novembre 2024 — Dernier ajout dimanche 8 décembre 2024

Le long cheminement vers « ma » vocation.

A Alger j’étais au contact des petits frères de Foucauld et je me suis posé là des questions de fond liées à nouveau à ma condition de « pauvre » : Les Pères blancs en général étaient de « milieu » bourgeois, cultivé, et moi, je venais du monde ouvrier ! Il me fallait entreprendre un discernement : les petits frères de Foucauld ne seraient-Ils pas plus adaptés pour moi ? J’ai pris contact avec eux et c’est ainsi que nous avons prévu mon entrée chez eux à Montbard dès mon retour en France. Mon engagement militaire s’est terminé à Lille en avril 1963. Sans attendre je me suis rendu chez les petits frères de Foucault de Montbard. Je garde le souvenir de la grande image du sacré cœur dessinée par le Père de Foucault au Sahara dont le mur de la chapelle était peint. Le Père de Foucault a été important dans mon chemin de conversion ! A Montbard je travaillais chez un horticulteur de la ville. Je repiquais des pensées et je me retrouvais bien. Je crois que là, je me suis là réconcilié avec le travail manuel que j’avais dévalué. Six mois plus tard, le supérieur, D. Voillaume, me proposait d’aller faire des études plutôt que poursuivre chez les petits frères ! J’ai vécu douloureusement ce départ que je considérais alors comme un rejet des petits frères à mon égard.

Il se trouve que de Ouargla je m’étais inscrit à Bonnelles chez les Pères blancs pour commencer la formation à la rentrée 63-64. Je partis donc à Bonnelles, dans la région parisienne le lieu de formation pour les « vocations tardives » ! Nous étions trois dans la classe de rattrapage de latin qu’il fallait connaitre avant d’intégrer les classes de théologie. Je fis là la rencontre de Gerard Roland qui habitait le village de Trosly Breuil. Il avait invité Jean Vanier à Bonnelles afin de nous ouvrir à la réalité du handicap et de la communauté. Au mois de septembre, pendant les vacances, Gerard avait proposé à quelques-uns des séminaristes de venir à l’Arche de Trosly pour aider cette communauté qui commençait. C’est ainsi que me suis retrouvé au foyer de l’Arche. J’ai rencontré PTP et nous avons sympathisé. Si j’aimais la prière du soir, tous à genoux autour de la table récitant une dizaine de chapelet, je supportais difficilement Raphael qui sentait mauvais et qui bavait dans son assiette ! Je lui trouvais cependant une grande clarté dans le regard, je ne savais que penser. Je me souviens avec bonheur des rassemblements à la petite chapelle de la place des fêtes pour l’adoration du Saint Sacrement, cette prière était ardente. La vie en communauté était édifiante, Comment des personnes si différentes, venants des quatre coins du monde, pouvaient être rassemblées dans une si belle communauté. Cependant je fus soulagé quand je me suis retrouvé sur le 2e quai de la gare de Compiègne pour repartir à Bonnelles ! L’Arche avait été pour moi une épreuve de foi. Je ne connaissais pas les personnes handicapées. Les assistants de l’Arche réalisaient avec eux une belle communauté de prière. Il fallait un grand regard de foi pour entrer dans ce mystère. Si d’habitude je me croyais « pauvre, » je me trouvais là devant beaucoup plus pauvre et démunis que moi ! Il y avait une réalité supérieure qui les unissait ! Plus tard j’ai compris ce que PTP appelait la conscience d’amour des tout petits.

Je suis allé ensuite à Kerlois dans le Morbihan, le grand séminaire des Pères blancs, pour faire la théologie. Les cours étaient donnés en latin ! Avec beaucoup d’ardeur je me débrouillais pour ces études. Je me souviens encore des parties de foot dans cette grande propriété. J’éprouvais une vraie difficulté avec l’Anglais, là, mon esprit avait là beaucoup de mal ! Le mercredi, jour de détente, j’avais choisi de visiter une personne handicapée à Hennebont. A Noel, Barbara m’envoyait les vœux de la communauté de l’Arche ! Cela deviendra important dans la suite. Bien que j’aie de la peine à tout faire dans les programmes, j’aimais cette vie d’études. J’aimais l’histoire de l’Eglise, les cours sur Vatican II qui se vivait à cette époque. La révolution de « mai 68 » se profilait à l’horizon et on en parlait pas mal ! Vers le mois de janvier, le supérieur du séminaire me convoqua pour me persuader qu’il me faudrait rejoindre le monde ! La surprise était grande. Que faisait Dieu avec moi après ces deux essais ? Je ne savais pas en quel lieu je pourrais aller maintenant. Il n’était pas question de reprendre mon travail de boucher charcutier, l’armée c’était fini ! En fait, la seule chose dont j’avais besoin était la messe quotidienne. Apres quelques réflexions, il m’apparaissait clairement que je devais aller à l’Arche à Trosly ou je retrouverais la messe quotidienne !

D/ -La vie sacramentelle et la vie en présence de Dieu est pour moi un « moyen » divin pour ressusciter avec le Christ Pauvre et vivre avec les pauvres.

Je suis arrivé à Trosly sans prévenir le 1er mai 1966, comme à Montbard et à Bonnelles, par le train de minuit. Chaque fois je me suis dirigé vers la chapelle de la communauté, celle de la place des fêtes à Trosly était toujours ouverte. PTP venait prier vers 7h du matin, il fut ravi de me revoir. C’est alors que j’ai commencé mes débuts à Trosly, d’abord au foyer de l’Arche. Rien n’avait changé depuis le stage, 9 mois avant ! Très vite Monsieur Vanier comme on l’appelait à l’époque, me demanda d’aller au Val Fleuri. Dès Septembre 1966, je me suis retrouvé au milieu de ces 35 hommes que l’on appelait « les garçons. » Il m’a fallu retrousser mes manches ! La violence qui sévissait dans ce château était surprenante. Là encore, il me fallait me débrouiller ! Petit à petit, grâce aux synthèses qui étaient faites pour les personnes handicapées, un nouvel horizon de compréhension de la vie psychologique s’ouvrait devant moi. J’ai toujours été intéressé par la connaissance de soi. J’étais à bonne école. Je me souviens encore des synthèses sur Patrick Hermant ou je me retrouvais très fort dans sa faiblesse, même si nous étions très différents. Gérer le quotidien du foyer ne m’était pas difficile. J’avais de bons espaces pour la prière et je voyais le PTP régulièrement. Le Père blanc qui m’accompagnait à Kerlois m’envoya une lettre qui m’a remis sur les rails du sacerdoce. Je fis part au PTP de ce courrier et c’est ainsi que j’ai repris la formation philosophique et théologique. Je passais alors mes repos à accompagner le P. Marie en conférence et en cours à Paris. Je pouvais ainsi bénéficier de son enseignement ! PTP faisait des cours aux étudiants d’Ourscamp à la chapelle, puis à la Ferme le samedi, je les appréciais beaucoup. Il y avait ainsi une belle harmonie entre mon travail à l’Arche, la vie en communauté et mes études. J’étais comblé par tout ce que je découvrais et qui me permettait de mieux me connaître avec mes capacités et mes limites. Je découvrais que si la dimension « intellectuelle » était nécessaire, le sens affectif était un lieu de connaissance de soi très important. Il rejoignait la « conscience d’amour » dont parlait beaucoup PTP . Ces apports me permettaient de rejoindre mon intériorité, ma personne. Par cette ouverture spirituelle je me suis « bâti » à partir de cette intériorité, de ma relation à Jésus et aux autres en privilégiant la dimension affective, intérieure. Par ce chemin, je prenais conscience que mes relations en communauté étaient positives si elles se situaient sur le plan plus personnel et cordial ! Je restais très vulnérable quand la confiance pouvait manquer ou que tout simplement l’autre était moins sensible à cet aspect affectif, était plus rationnel-intellectuel. Je crois que je rejoignais par là les « personnes » qui avaient moins de moyens intellectuels et qui « fonctionnaient » plus avec le cœur !

P. 77 Du point de vue de la structure de la personne, Edith Stein met en évidence ce qu’elle nomme le « sens affectif… (3) Vie chrétienne de la femme, F., p. 182.) » …situé au centre de l’être et qui est l’« organe destiné à appréhender l’étant dans sa complétude et dans sa spécificité ». C’est par cet organe que nous entrons en contact avec l’intériorité des biens (P. 78) et des personnes : en un mot avec notre environnement spirituel. (1) « Le sens affectif « appréhende la signification que l’être d’autrui revêt pour le sien propre (…) et des créations impersonnelles … » (Vie chrétienne de la femme, F., p. 182).) Nous avons attribué au "sens affectif" une importance considérable pour l’organisme tout entier de l’être psychique. Il a une fonction cognitive essentielle, il est le centre où la réception de l’étant se mue en une prise de position et en un acte personnel. Mais il ne peut s’acquitter de sa fonction sans la coopération de l’entendement et de la volonté. Sans le travail préliminaire de l’entendement, il ne parvient point à un résultat cognitif. L’entendement est la lumière qui éclaire son chemin […]. Ses propres mouvements ont besoin d’être contrôlés par l’entendement et guidés par la volonté. […] Là où l’entraînement de l’entendement et la discipline de la volonté feront défaut, la vie du "sens affectif" sera agitée et ira à la dérive » (ibid. Edith Stein : p.183)

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