C/ C’est « divinement », grâce à Jésus, que la reconnaissance de mon être de pauvre a pu se réaliser et que l’épanouissement de ma personne a pu commencer à se construire selon la Bonne Nouvelle de l’Evangile.

Mardi 26 novembre 2024 — Dernier ajout dimanche 8 décembre 2024

C/ -C’est « divinement », grâce à Jésus, que la reconnaissance de mon être de pauvre a pu se réaliser et que l’épanouissement de ma personne a pu commencer à se construire selon la Bonne Nouvelle de l’Evangile.

Je ne saurais dire ce qui m’a fait franchir le seuil de la maison des Pères Blancs ! J’ai pris contact avec eux dans leur communauté d’Ouargla. Nous avons sympathisé et j’ai commencé un itinéraire de conversion. Il me fallait prendre conscience de la présence de Dieu en moi et dans le monde ! Je n’avais jamais été en rupture consciente avec Dieu ou avec l’Eglise. J’étais plutôt ignorant et indifférent. C’est au contact des Pères Blancs que j’ai commencé à lire des œuvres religieuses, en particulier la vie des saints. Un travail de réflexion en profondeur démarrait en moi. C’est difficile de savoir l’évènement qui m’a fait basculer en Dieu. En lisant la vie des saints (j’en ai lu beaucoup !) je ressentais ces expériences de la présence de Dieu. J’adoptais les attitudes et les comportements intérieurs de ces personnes qui se retrouvaient en leur profondeur et dans la profondeur de Dieu. Dans les luttes et les combats qui étaient décrits je reconnaissais le monde dans lequel nous étions. En découvrant le mystère de Jésus, de Dieu, je découvrais aussi mon mystère, le mystère de l’humanité. Si jusqu’alors j’avais vécu en dehors de moi, cherchant à l’extérieur, dans la réussite ou l’apparence pour réaliser ma vie, je découvrais un monde intérieur riche de présence et d’amour, bien plus séduisant. C’est alors je crois que j’ai commencé à me construire dans le Christ, l’Evangile est devenu ma terre. Je reconnaissais ce que je pouvais lire et entendre de Jésus comme vérité et comme vie. Je me reconnaissais dans les valeurs des Pères blancs avec lesquels je cheminais.

Me sentant désormais mal dans le contexte militaire, j’ai donné ma démission de l’armée. Elle a été refusée car les raisons religieuses que j’évoquais pour cette démission n’ont pas été un motif pour l’armée. Je trouve dans Edith S. un bon appui pour interpréter ce passé : p. 79, Edith Stein établit une correspondance entre l’ordre des valeurs et le domaine de l’intériorité. Tout l’enjeu de la vie éthique est de répondre à une valeur en lui accordant en soi-même la place qui lui revient, le niveau de profondeur qu’elle requiert, car l’âme abrite des niveaux de profondeur (3). La Science de la Croix) Ce qui va permettre d’éprouver le poids des valeurs, de les peser, et donc de déterminer la manière d’accueillir telle ou telle valeur, c’est « la compatibilité ou […] l’incompatibilité de ce qu’elle [l’âme] (P. 80) accueille en elle avec son être propre, si ses actions vont ou non dans le sens de son être. »

A partir du moment où j’ai donné ma démission de l’armée, je faisais mon travail consciencieusement, mais mon énergie était d’entrer dans un nouveau chemin de recherche et de relation avec Jésus. Grace à l’étude et la prière, progressivement se sont « différencié » en moi les attitudes qui étaient du « monde » et la vérité et les valeurs de l’Evangile. J’ai dévoré la bibliothèque des Pères blancs. J’ai découvert là pourquoi je n’étais pas à l’aise avec les grossièretés et les plaisanteries de mauvais gout qui étouffaient en moi la lumière de Dieu ! Les saints que je fréquentais par mes lectures étaient des pauvres ou l’étaient devenus. Je reconnaissais cette forme de pauvreté donnée dans l’Evangile, elle me rejoignait. L’« idéal » de la pauvreté pour être comme Jésus s’installait en moi. Je commençais à me construire selon un mode nouveau dans lequel je « n’étais pas du monde mais j’étais dans le monde. » Si j’avais dû me débrouiller enfant, il me fallait encore me débrouiller pour ne pas faire paraître à l’extérieur une recherche de vie intérieure qui n’était pas comprise par beaucoup dans la vie militaire. Je trouvais cependant çà et là quelques complicités avec des amis qui fréquentaient l’Eglise. A cette époque, je passais mes vacances chez les Pères blancs de France et je profilais déjà mon entrée chez eux à ma libération. Je faisais un stage de formation d’intendance en France quand la fin de la guerre d’Algérie a sonné. Apres ce stage je suis rentré à Ouargla pour réintégrer le « matériel » de l’armée qui revenait des casernes du Sahara en vue du retour en France.

C’est Jésus, comme « Ami du pauvre » qui s’est pour moi révélé assez vite. J’étais ce pauvre rejoint par Jésus. En aucune manière Jésus ne m’a révélé mes blessures et mes pauvretés d’abord. Bien plus profondément il m’a montré son Amour et je l’ai reçu. Sans le formuler comme aujourd’hui, c’était une expérience de découverte de moi-même tout autant que de Dieu.

Du sud de l’Algérie, nous avons évolué vers le nord et je me suis retrouvé en poste à Alger pour continuer ce travail de réintégration du matériel. Du « désert » du Sahara je me retrouvais dans cette grande ville confronté à toutes sortes de questions. J’ai pris conscience là, avec une grande acuité, que j’étais marqué par mon milieu d’origine. A l’extérieur cela pouvait ne pas paraître ! A l’intérieur je me retrouvais bien souvent paralysé face au manque d’une « expression adaptée » de la culture et des questions qui se posaient. Les valeurs ne me manquaient pas mais je me retrouvais devant un « monde intellectuel » qui me rendait mal à l’aise ! La culture religieuse était devenue mienne, je me retrouvais dans l’Evangile ! La conversion à Jésus mettait en évidence cette différence que je retrouvais dans la vie : « Je te rends grâce Père d’avoir… révélé cela aux tous petits. » Je devrais désormais faire face à la réalité de la pauvreté de mon enfance.

à suivre

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