C’est l’automne, / Les mots aussi se décomposent !/ Puissent-ils secrètement nourrir l’humus de notre terre…/
Ô vaste solitude où s’est noyé le cœur/ Dilaté, liquéfié de perles de langueur/ Il soupire, vibrant d’une mesure hors du temps/ À l’aube de son éternité, son amant. / Touché, transpercé dans sa robe de lis blancs/ L’amour s’écoule en ses infimes lueurs/ De rubis, de diamants, de célestes splendeurs/ Mais au ravissement de la foi seulement/ Voici le glorifié en son dépouillement/ Le maître de la vie qui, mort, règne vivant/ Seule reste désormais pour unique douleur/ La longue patience dans l’attente de l’heure…/ L’heure du bon plaisir où repose tendrement/ L’aimé en son aimée sur son cœur tapis de fleurs. /
C’est l’automne, les mots aussi se décomposent ! Puissent-ils secrètement nourrir l’humus de notre terre… Les saisons sont précieuses pour nous ! Elles sont images et signes de la réalité de notre vie spirituelle. « C’est l’automne, » Nous pouvons aimer l’automne, nous pouvons aussi attendre, à grands cris, que vienne le printemps ! « Les mots aussi se décomposent. » Il s’agit vraiment d’une transformation profonde. A la fois ce qui est perdu est définitivement perdu. En même temps, l’expérience nous dit qu’après l’hiver, le printemps va revenir ! De cette décomposition va renaitre la vie. « Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul, s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. » C’est la grande Sagesse de Jésus, heureusement pour nous, il l’a montré par sa Vie, c’est devenu notre expérience à vivre. « Les mots aussi se décomposent. » Nos mots doivent devenir Parole divine ! Notre vie elle-même doit ressusciter. Les mots disent bien ce que nous vivons, nous ne pouvons pas en rester là ! La Parole faite chair vivifie divinement notre réalité humaine. Encore nous faut-il accueillir cette décomposition. Elle va secréter l’angoisse, pourquoi pas la révolte ? C’est alors que nos mots, (maux,) sont précieux, ils vont nourrir notre espérance. « Puissent-ils secrètement nourrir l’humus de notre terre… » Tous, nous savons par expérience, qu’il est des propos qui édifient, comme les couleurs de l’automne, d’autres sont mortels comme la nuit de l’hiver et son froid qui gèle tout sur son passage.

Ô vaste solitude où s’est noyé le cœur, Dilaté, liquéfié de perles de langueur. Un cœur noyé est un cœur angoissé. L’amplitude de la solitude le taraude à l’extérieur et à l’intérieur. A l’extérieur il n’est qu’épais brouillard qui embrume la respiration, à l’intérieur, l’estomac se ferme refusant tout ce qui peut donner un peu de vie. « Ô vaste solitude, » Pas d’horizon, tout est bloqué, la fermeture est totale, sans issue possible. Envisager un chemin de secours redouble l’angoisse, c’est là qu’il faut demeurer : « Simon, vous n’avez pas pu veiller une heure avec moi ? » « Où s’est noyé le cœur, » Dans l’embourbement, pas de mouvement qui enlise plus encore, seulement un abandon à ce funeste sort. Abandon dans la foi, qui se consolide dans cet instant précieux, ou se renouvellent de nouvelles forces. « Dilaté, » la dilatation est une grâce, elle élargit de l’intérieur de nouveaux horizons de l’Evangile. Là, la Bonne Nouvelle prend Corps, « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi. » « Liquéfié de perles de langueur. » Plus rien n’est désormais contrôlé, la nuit est totale ! Pour que les perles des vertus puissent s’incruster dans la langueur du cœur assoiffé, il lui faut revêtir la langueur de Marie. C’est dans cet abandon nouveau que se forme Jésus dans le cœur de sa bien-aimée.

Il soupire, vibrant d’une mesure hors du temps, à l’aube de son éternité, son amant. Car il est là l’Epoux, il prépare l’épouse à la rencontre bienheureuse, « quand nous le verrons, nous lui serons semblable ; » Il soupire, car la bien aimée se fait belle, de la beauté du Bien Aimé ! La rencontre du bel Amour ne peut se faire que dans la Lumière de l’Amour, dans le Saint Esprit qui nous est donné. « Vibrant d’une mesure hors du temps, » en effet, il n’y a pas d’autre mesure à l’Amour que l’Amour ! Le tiraillement vient du temps et de l’éternité, « comme je voudrais que ce jour soit accompli, disait Jésus, » Comme pour lui, nous sommes dans la grâce de l’attente bienheureuse, à l’aube de son éternité. Dans la nuit de la foi qui peut se faire si obscure, la bien aimée entre dans la patience, attirée, de nuit, par son amant. Amour pur de tout retour sur soi, l’épouse se prépare dans la désappropriation de soi, si rude pour sa sensibilité, mais c’est de nuit, chante le poète ! Touché, transpercé dans sa robe de lis blancs, l’amour s’écoule en ses infimes lueurs, de rubis, de diamants, de célestes splendeurs, mais au ravissement de la foi seulement. Des trésors se donnent dans la nuit de la foi. « Touché, transpercé dans sa robe de lis blancs, » Ce sera dans la source du baptême que nous allons puiser ! La nature ne peut rien à ce stade, si ce n’est montrer sa fatigue et son impossibilité d’avancer. Mais « l’amour s’écoule en ses infimes lueurs, » l’instant présent dans la grâce présente est l’unique secours. Il nous faut marcher un pas à la fois, sinon c’est la bascule fatale. Jésus lui-même pour nous est tombé trois fois. A l’infini il va nous relever. « De rubis, de diamants, de célestes splendeurs, » l’amour toujours va triompher de la mort et de son ombre angoissante. C’est ainsi que la perle choisie, au-delà de toutes, le trésor précieusement gardé, donnent sa lumière pour avancer sur les pas de l’Agneau, « mais au ravissement de la foi seulement. »

« Voici le glorifié en son dépouillement, le maître de la vie qui, mort, règne vivant. Seule reste désormais pour unique douleur, la longue patience dans l’attente de l’heure…L’heure du bon plaisir où repose tendrement, l’aimé en son aimée sur son cœur tapis de fleurs. » Nous lui serons semblable, dit la Parole ! Nous préparons en ce monde le face à face, seule, la contemplation du Bien Aimé donne d’avancer. « Voici le glorifié en son dépouillement, » croire qu’en ce temps de tristesse la joie se donne à voir. « Elle est celle du maître de la vie qui, mort, règne vivant, » il s’agit de la vie nouvelle qui donne Vie. « Seule reste désormais pour unique douleur, la longue patience dans l’attente de l’heure… » C’est l’automne, les mots aussi se décomposent, ils ne peuvent prendre chair qu’en espérance divine. Elle s’éclaire, réchauffée au bon plaisir de l’Agneau, car il veille comme à la moisson, comme à la vendange. Ce temps est si précieux, « l’heure du bon plaisir où repose tendrement, l’aimé en son aimée sur son cœur tapis de fleurs. » Ces fleurs sont des actes d’amour dans la vallée de larmes, il est là, soutenant la bien-aimée dans sa veille des noces.